ALAIN SOLER / RENCONTRE À CHÄTEAU-ARNOUX

Publié le 20 janvier 2014 par Pierre-Jean Ulpat


MusikImpro a rencontré récemment Alain Soler , étonnant musicien, fondateur et directeur de l’ Atelier de Musiques Improvisées (haut lieu de création et d’enseignement musical implanté à Château-Arnoux, dans les Alpes de Haute-Provence).
Depuis près d’un quart de siècle (la création de l’A.M.I. date de 1989), ce musicien passionné, passionnant et discret (trop discret ?) a su mettre en oeuvre en plein carrefour d’un territoire rural (et magnifique) une dynamique musicale et humaine hors du commun, ce qui lui a certainement valu son entrée dans la nouvelle édition du dictionnaire du jazz (A. Clergeat, JL Comolli, P. Carles / collection Bouquins).

Alain s’est forgé son esprit musical en plein milieu des années 70, au son des Beatles et des Stones du groupe Free et de Neil Young où, finalement, peu importait le niveau des musiciens et seules comptaient les amitiés, les affinités que l’on pouvait vivre à cette époque, pour construire une expérience musicale, des "groupes".
Alain nous confie avoir peu changé depuis, préférant mélanger des musiciens de sa localité à des "pointures" internationales pour une cuisine musico-sociale-intergénérationnelle toujours plus trépidante et riche en émotions qu’une réunion d’excellents techniciens de la musique. 
Ceci explique certainement cette différence sensible que l’on entends dans les réalisations discographiques du Label Durance structure implantée dans les locaux de l’Atelier de Musiques Improvisées, mise en place en 2007 et dont les cds sont distribués par Orkêstra International
Allant très tôt vers toutes sortes d’instruments, afin d’en comprendre les rôles, les interactions, Alain développe un surprenant pluri-instrumentisme lui permettant de se ressourcer, de s’inspirer, lorsqu’il bascule de l’un vers l’autre. 
Il nous avoue aussi son "sentiment d’imposture" parfois quand il ne parvient pas à "s’incarner" dans l’instrument choisi pour tel ou tel événement. 
Ce qui nous frappe en tout cas, à l’écoute de sa discographie ( cf en fin d’article), c’est sa faculté d’adaptation à l’instrument tout autant qu’à la musique qu’il nous propose de projet en projet sans jamais se couper de l’esprit du jazz ("payer son dû" et "dire ce que l’on est"...) et de la tradition.

Attiré par le jazz "sur le tard", à l’age de 20 ans ; Alain bénéficie d’une transmission directe au contact de Toots Thielemans puis, plus tard, d’ André Jaume , deux univers musicaux apparemment opposés et deux rencontres décisives dans le parcours et les inclinations d’Alain Soler qui le détermineront artistiquement.
Déçu puis révolté par les cursus institutionnels de formation au jazz (Alain obtient un 1er prix avec félicitations du Jury au CNR de Marseille dans la classe que dirigeait Guy Longnon ) qui, selon lui, tuent la réalité qualitative de la transmission jazzistique (il reproche notamment une certaine standardisation du son, des phrasés, du langage, etc. par opposition aux musiciens du passé qui se distinguaient les uns des autres dès les 1ères notes jouées), Alain enseigne aujourd’hui au CRD de Digne-Manosque. 
Paradoxe ? Pas tant que ça lorsqu’Alain nous raconte avoir été séduit par le projet humain associant Raphaël Imbert , Christophe Leloil et Benoît Paillard dans un partage de poste de professeur de jazz : du jamais vu jusqu’alors. 
Pour Alain et je le cite : "le fond prévaut sur la forme..." et toutes les expériences méritent d’être vécues.
La remarquable force de travail d’Alain, et il en faut pour jouer autant d’instruments et porter à terme autant d’aventures musicales, est certainement pour beaucoup dans la diversité des actions pédagogico-artistiques qu’il mène depuis vingt cinq ans.
Nous citerons dans le cadre des projets portés par l’association AMI et initiés par Alain, les événements suivants :
Celebrating 1851 , création musicale réunissant près de quarante musiciens et dont la thématique portait sur le soulèvement républicain contre le coup d’état de Napoléon III.
Remembering Bill Evans , projet discographique à caractère pédagogique ; le collectif de l’AMI se retrouvant autour du célèbre saxophoniste californien Larry schneider (présent sur deux opus mémorables de l’illustre pianiste) pour enregistrer quelques pièces dont Alain Soler signait les arrangements.
- Enfin, Cet Inexprimable 20 ans où le collectif de l’association emmené par Alain, enregistrait en public un concert jubilatoire pour le vingtième anniversaire de l’AMI.
Signalons aussi que tout ces projets à dimension associative réunissent de prestigieux solistes, en plus de L. Schneider (invité récurent et complice de longue date d’Alain Soler) figurent André Jaume (avec qui Alain a sillonné la moitié du globe, leur dernier CD en duo " Hymnesse ", salué unanimement par la presse spécialisée, s’est vu décerné un "Choc" par notre confrère JazzMan-JazzMag), Eric Barret ou plus récemment Raphaël Imbert .

En plus de ces activités associatives, Alain Soler ne délaisse pas pour autant des projets plus personnels dont certains sont d’actualité, notamment deux dernières réalisations discographiques :
Classics, Originals, Standards & Popsongs en trio avec Larry Schneider aux saxophones, Lionel d’Hauenens à la basse fretless et Alain que l’on écoute ici à la guitare électrique dans un registre très particulier qui associe très heureusement tradition et modernité, c’est du reste la troisième collaboration de ce trio, gageons que ce ne soit pas la dernière.
À René Char , où l’on retrouve Alain à la batterie cette fois ci dans le projet du pianiste Sébastien Lalisse en compagnie du contrebassiste Olivier Chabasse . 
A l’évidence le jeu d’Alain est aussi original lorsqu’il passe de la guitare à la batterie, s’adaptant "à", et s’inspirant "de" la musique du moment, des musiciens qui l’entourent et des instruments qu’il manipule de projet en projet.
Nous reviendrons plus longuement sur ces deux CDs, au demeurant magnifiques, nous les avons survolés tout en discutant avec Alain.
En préparation pour 2012 / 2013, Alain nous parle volontiers de plusieurs autres idées qui le taraudent ; notamment la mise en situation d’André Jaume et de Raphaël Imbert, en duo, sur des compositions écrites par Alain ; ainsi qu’un second projet, toujours avec Jaume et Imbert mais cette fois-ci Alain officiera à l’harmonium, instrument délaissé, voire ignoré.
Alain nous parle de sa récente passion pour " l’orgue expressif ", ses possibilités. Il en a aussi restauré deux que nous pouvons admirer dans la grande salle de l’A.M.I.

Cette rencontre s’achève autour d’un verre de bon vin de Pierrevert (domaine "La Blaque" étiquette bleue) et nous sommes véritablement conquis par la pudeur de ce musicien, par son humilité et sa gentillesse qui ne parviennent pas à dissimuler son talent, sa générosité et son intelligence, la vraie, celle du coeur.

Discographie sélective :
Durance  : A. Soler, M. Barbarisi, J. Lovano, A. Antoni, A. Lisolo, J.L. Lafuente (CELP 28 / H. M.)
J’irai valser sur vos tombes  : A. Soler, A. Jaume, L. Schneider, E. Barret L. d’Hauenens, A. Antoni (CELP 33 / H. M.)
Etre heureux ?  : A. Soler, L. Schneider, L. d’Hauenens (Charlotte Record 184 / Night & Day 216)
Play The Red Bridge  : A. Soler, L. Schneider, F. Méchali, A. Jaume, R. charmasson (CELP 38 / H. M.)
Alliance  : A. Soler A. Jaume, T. Julie, A. Constance, B. Fréminot (CELP 46 / H. M.)
Pour Théo  : A. Soler, A. Jaume (CELP 44 / H. M.) (Disque D’émoi JazzMag)
A beautiful love is all you need  : A. Soler, A. Jaume, L. Schneider, L. d’Hauenens (CELP 49-50 / H. M.)
Hymnesse  : A. Soler, A. Jaume (LabDur-032010 / Orkhêstra) (Choc JazzMag-JazzMan)
Cet Inexprimable 20 ans  : A. Soler, A. Jaume, L. Schneider, R. Imbert, E Barret, (LabDur-AM062010 / Orkhêstra)
Classics, Originals, Standards & Popsongs  : Soler, Schneider, d’Hauenens (LabDur-TSSH032011 / Orkhêstra)