CHET BAKER & JACK SHELDON - IN PERFECT HARMONY (The Lost Album)

In Perfect Harmony
In Perfect Harmony (The Lost Album) 
Année de sortie :  2024  -   Label : Jazz Detective
Chet Baker (trp, v) - Jack Sheldon (trp, v) - Jack Marshall (g) - Dave Frishberg (p)
Joe Mondragon (b) - Nick Ceroli (d)

Tracks : This Can't Be Love - Just Friends - Too Blue - But Not For Me - Historia de un Amor
Once I Loved - You Fascinate Me - When I Fall In Love - I Cried For You - I'm Old Fashioned - Evil Blues.

In Perfect Harmony : The Lost Album propose une collaboration entre les trompettistes Chet Baker et Jack Sheldon. Issu d'une session studio de 1972 récemment exhumée et publié sur le label Jazz Detective, cet album a été coproduit par Zev Feldman et le producteur de films Frank Marshall.
Soutenu par un ensemble exceptionnel composé de Jack Marshall (guitare), Dave Frishberg (piano), Joe Mondragon (basse) et Nick Ceroli (batterie), le sextet parcourt un répertoire tiré principalement du Great American Songbook, complété par un morceau original de Sheldon et une ballade d'un compositeur mexicain.

Bien qu'à première vue la combinaison de ces deux trompettistes chanteurs puisse sembler incompatible, Baker et Sheldon - comme le décrit le livret de 15 pages bien pensé et informatif qui accompagne ce CD - étaient de bons copains et c'est Sheldon qui a convaincu Baker de participer à cet enregistrement. La dynamique entre Baker et Sheldon est vraiment intéressante, chaque artiste apportant sa propre sensibilité et son savoir faire.
Sur toutes les pistes, on peut entendre Sheldon chanter et jouer sur le canal stéréo gauche et Baker sur le canal droit.
Le morceau d'ouverture est This Can't Be Love, avec Sheldon parcourant les paroles avec un vibrato tremblant. La voix de Baker est tout aussi brève mais plus retenue, avec la trompette de Sheldon en soutien. Le toujours populaire Just Friends suit, avec Baker chantant sur un tempo vif tandis que Sheldon couvre la section de trompette avec un ton clair. Malheureusement, la basse de Mondragon est surmixée sur le canal droit, noyant presque la voix de Baker. L'original de Sheldon, Too Blue, le fait chanter en mode hipster, tandis que la trompette de Baker s'éloigne rarement du registre médium et se limite à de courtes phrases de ponctuation. Lorsque Sheldon intervient, son ton et son phrasé imitent alors ceux de Baker.

À l'époque de cette session, le jeu de trompette de Baker était bien loin de la corne mélodique dépouillée, chaleureuse et élégante de ses premières années. Non seulement il luttait contre l'addiction, mais il avait eu une altercation en 1966 qui lui avait laissé la bouche ensanglantée et les dents cassées, ce qui l'avait contraint à porter un dentier. En conséquence, il a eu beaucoup de mal à jouer tout en essayant de réparer son embouchure et cet enregistrement est le premier qu'il réalise depuis cet événement. Malgré ce défaut, la froideur de Baker sert de contrepoids à la vivacité de Sheldon alors qu'ils continuent à travailler sur l'équilibre du set, en commençant par une interprétation intéressante de Once I Loved d'Antonio Carlos Jobim. Alors que Ceroli pose le rythme de bossa nova, Baker montre des flashs de sa jeunesse, préparant le terrain pour que Sheldon entre en scène avec une série d'éclats rapides avant que le morceau ne s'éteigne.
Chet Baker a toujours aimé les ballades, comme en témoigne son album Chet Baker Sings (Pacific Jazz) paru en 1956, et son interprétation langoureuse de When I Fall In Love n'est donc pas surprenante. Le dernier morceau est un bref blues impertinent de Jimmy Rushing/Count Basie/Harry « Sweets » Edison, avec Sheldon à la voix, tandis que la trompette de Baker s'immisce sur les bords. 
Un témoignange d'une époque qui nous parvient aujourd'hui de façon émouvante !

Article mis en ligne le 1er mai 2024 par Philippe Clérat